Mon quotidien de prof de couture

Les profs ont bonne ou mauvaise presse. Tout dépend de nos croyances. Je partage aussi les deux ressentis. Aujourd’hui je te raconte mon quotidien de prof de couture, pour que tu puisses te faire ta propre idée sur ce métier.

Le quotidien d'un prof de couture

Ce n’est pas un métier facile contrairement à ce que l’on pourrait croire. Comme partout il y a des bons collègues et des moins bons. C’est aussi un métier qu’on choisit, certains par vocation, d’autres par facilité (ceux qui n’ont pas la conscience professionnelle super développée). Alors pour ne pas s’arrêter aux apparences voici ce qu’un prof de couture, un vrai, fait au quotidien.

La vérité sur l’emploi du temps des profs certifiés

Alors posons les bases, une semaine c’est 7 jours, le lycée c’est 5 jours d’ouverture (peut-être 6 pour certains gros établissements qui font cours le samedi). Un professeur certifié (qui a le concours) doit à l’éducation nationale 18h devant élève, plus 2h supplémentaires qui peuvent désormais nous être imposées. Easy me diras-tu peut-être.

Seulement voila, on ne travaille pas QUE 18h semaine. Ce temps est celui où nous sommes face à nos élèves dans nos salles de cours, où plateaux techniques. Lorsqu’on arrive, il faut forcément avoir prévu des activités. Sinon il va être compliqué d’improviser pendant 4h! Nous travaillons donc ces 18h de cours réparties sur ces 5 jours. Mais en dehors de ça, libre à nous de nous organiser pour préparer. Sachant qu’une heure devant élève est égale à une heure de préparation : soit 36h.

Notre gros avantage c’est que nous pouvons nous organiser comme nous le voulons. Travailler à 3h du matin dans la nuit du samedi au dimanche, c’est possible. Si c’est ce qui te convient pourquoi pas. Attention toutefois, tes collègues risquent de ne pas te suivre pour une énième réunion à ce rythme!

Les différents cours en Métiers de la Mode :

Quand j’écris ces mots voici comment les horaires pour un groupe classe de seconde de 15 élèves sont réparties :

  • 4h de réalisation (c’est à dire derrière machine).
  • 4h de conception (réalisation de patron, et découverte de logiciel professionnel).
  • 3h de technologie (avec une classe pouvant montée à 30 élèves).
  • 1h de consolidation des acquis.
  • 1h de co-intervention de maths.
  • et la même chose en français.

En fonction des groupes et plateaux techniques disponibles, il n’y a aucune distinction entre ses différentes disciplines. Donc le professeur s’organise comme il veut.

Et concrètement, on y fait quoi en cours de couture?

En prenant l’exemple d’une jupe, voici ce qu’on apprend dans ces différents cours :

  • Réalisation : fabrication de la jupe, ordre de montage, mise à jour des documents d’industrialisation. 4h c’est rapide! Même trop rapide et trop peu pour former des futurs professionnels destinés à aller monter des produits en usine.
  • Conception : construction d’une jupe de base. Digitalisation pour la retrouver à l’écran sur logiciel professionnel. Transformation en CAO pour obtenir la variante. On va aussi s’intéresser au sens de la coupe d’un tissu. Et apprendre également à dessiner sur des logiciels de vectorisations.
  • La technologie aborde tout ce qui est sécurité, matériaux, analyse de fabrication, la réflexion autour des différentes solutions, grade de qualité, etc… Si notre jupe est fabriquée dans un Denim : qu’est-ce que c’est le Denim? Pour la réaliser on a utilisé des assemblages surfilés et surjetés, pour un grade de moyenne qualité. Et si nous souhaitions un vêtement pour le prêt-à-porter de luxe, quelle finition pourrions nous privilégier?
  • La consolidation est le cours où l’on reprend les difficultés des élèves, et on réexplique, on remédie. Et ça n’arrive pas qu’en consolidation.
  • La co-intervention de maths : on se retrouve avec le professeur de mathématique pour aider les élèves. On peut par exemple aborder les thématiques suivantes : les conversions mm/cm, comment tracer un rectangle correctement, la notion d’échelle, etc…
  • La co-intervention de français : même exercice avec le prof de français. On entraîne les élèves à faire des rapports de stage, restituer leurs connaissances, préparer aux oraux du Bac.

Comment je prépare mes cours de couture

Pour préparer une année scolaire je dois établir différents documents à suivre telle une feuille de route. Je me fixe sur le référentiel de ma discipline, mais aussi sur le calendrier de l’année scolaire avec les stages, les sessions d’examen, la disponibilité des plateaux technique, les temps forts de l’année, les désirs et besoins des collègues, etc…

Les différents documents pédagogiques

  • La progression, celle dont je te parle pour les ateliers, et bien c’est là même chose. C’est THE document. Celui à avoir pour savoir d’où tu pars et où tu vas. Elle se prépare bien avant la rentrée, je dirais en mai/juin pour l’année suivante. J’ai tendance à faire une progression optimiste, que je n’arrive jamais à boucler. Au moins j’ai prévu le travail nécessaire et je ne me retrouve pas à cours de préparations, d’idées, d’objectifs… Ce document c’est mon tableau où je note case par case en fonction des matières ce qu’on va faire. Pour chaque nouvelle case je regarde qu’en amont j’ai déjà étudié les pré-requis. Monter ma jupe sans avoir vu l’enfilage de la machine = impossible! Je bouge, je remonte, je descend les cases, complète des cases, en rectifie d’autres. Je le rempli à partir de mon référentiel. L’autre document qui reprend tout ce que les élèves doivent apprendre sur 3 ans.

Les fiches qui suivent, je ne les réalise pas tout le temps, elles sont parfois dans un coin de ma tête. Je préfère mettre 1h de plus à préparer un support de cours destiné aux élèves qu’une fiche ancrée dans un coin de ma tête qui ne servirait qu’à l’inspecteur le jour de sa venue.

  • La fiche de séquence reprend donc la grande thématique du cours : la transformation de la jupe. La première ligne est destinée à l’apprentissage du vocabulaire. La deuxième au traçage de la jupe de base. Et la troisième à la transformation pour obtenir la nouvelle jupe. Dans ce tableau je met les compétences du référentiel étudié, les supports pédagogiques que je présente à mes élèves, et le temps que « j’aimerai » y consacrer. C’est ma feuille de route qui me tient pour plusieurs semaines, avec une par discipline (réa, coupe, techno…).
  • La fiche de séance : je ne m’intéresse qu’au cours du jours. Ce n’est pas quelque chose que je peux prévoir des semaines à l’avance. C’est un document qui se prépare entre 2 cours de la même discipline. J’y note ce que je dois ramener, faire, dire. C’est un travail journalier. Je commence par un rappel du cours précédent, la répartition du travail entre les élèves, le rappel des consignes et les différents informations à donner. Ensuite je lance les activités. Et en fin de cours, il faut vérifier que les élèves ont bien avancé (toujours essayer de ne pas oublier le plus discret dans le fond de la classe), rangent correctement le matériel, qu’ils ont retenus ou appris quelque chose. Puis leur donner la consigne pour la fois prochaine. Je ramasse aussi les contrôles s’il y en a eu.
  • Ajoute également la paperasse administrative : les conventions de stage des élèves, les ordres de missions pour aller les visiter, les demandes de fournitures (et oui le tissus, il faut aller le repérer dans le magasin du lycée, ou dans les commerce), bon de commande, les demandes de sorties scolaires, les projets, les intervenants extérieurs… Toute cette paperasserie est à intégrer dans ton quotidien. Et à ce stade tu n’es pas encore prof principal!!!
  • Attention en cas d’inspection à être à jour de tout ça.

Le cours de couture : comment se passe-t-il?

Je te répondrai que tout dépend de ton public, et du cours que tu fais.

Les cours de pratique :

Prenons un cours de réalisation. Les élèves s’installent (mettent leur blouse ou non), s’attache les cheveux (la sécurité avant tout), je fais l’appel (bonjour Pronote). Je leur demande de sortir le travail à faire s’il y en a et je corrige. Je répond aux diverses questions, puis je laisse chacun reprendre sa réalisation où il en est. Certains professeurs calent tous les élèves au même niveau. C’est plus confortable pour le prof et c’est d’ailleurs avec cette méthode que j’animais mes ateliers. Mais en Lycée Pro avec le niveau hétérogène, cela veut dire scalper l’apprentissage des élèves en difficultés, et tirer vers le bas les plus forts. Hors de question pour moi.

Je me balade entre les machines, je regarde ce qui va, ce qui ne va pas. Une fois mon tour fait, je retourne à mon bureau. Je m’occupe avec une petite activité (découper le prochain patron par exemple : quelque chose qui ne demande pas de réflexion pour rester disponible pour mes élèves). A la fin du cours, je leur demande de ranger et vérifie que tout le matériel est à sa place et qu’il ne manque rien (dans certains lycée j’ai pu mettre des objets sous coffre-fort). Je donne le travail à faire s’il y en a pour la fois d’après. J’attend la sonnerie pour laisser sortir tout le monde et ensuite je range mes affaires.

Les cours théoriques :

Les cours de couture par temps de confinement.
Le cours confiné!

Si nous prenons un cours de technologie, alors là c’est différent. J’accueille les élèves, je fais l’appel, je leur demande ce qu’ils ont retenus du cours précédent. J’allume mon vidéo-projecteur. Libre à moi de faire un cours théorique, de corriger un exercice, de les faire travailler par groupe sur une activité, faire des exposés (attention à avoir les ressources nécessaires : CDI, ordi…), le choix des possibles est vaste. A chaque fin de cours, une conclusion, un résumé, un contrôle des acquisitions de mes élèves puis le travail à faire pour la prochaine fois.

La part importante de gestion de classe :

Il y a aussi la gestion de classe, ma dernière année fut celle où j’ai réussi à obtenir le plus de calme. Chaque année, je suis devenue un peu plus « monstre » en début d’année. Je ne laissais rien passer, pas de bavardage, des remontrances à chaque retards. Les vrais perturbateurs n’en auront rien à faire et il faudra faire avec. Il ne faudra pas non plus s’attendre à ce que le travail à la maison soit fait, mon dernier score en date était de 30%. Difficile d’avancer quand 70% des élèves n’ont plus aucun souvenir de la veille. Difficile de faire la différence entre celui qui n’en a rien à faire, celui qui n’y arrive pas et n’a pas les parents pour l’aider et celui qui malheureusement doit garder tous les soirs sa fratrie, s’occuper de ses parents malades, quand il en a…

Quoi qu’il en soit, il faut donc garder une motivation sans faille et savoir dans quoi on se lance. C’est là la grosse différence que j’ai pu faire avec les ateliers. Les personnes qui assistent se sont inscrites, elles payent la plupart du temps, elles sont forcément motivées, elles ont l’envie de vous presser de toutes vos connaissances. Vous savez également que vous transmettez vos connaissances à des gens qui sauront les mettre à profit, et que ça ne finira pas en pur gachis.

A rajouter dans le quotidien de tout prof :

A oui j’oubliais, il y a aussi des créneaux pour : les conseils de classe (5 classes = 15 conseils!), les réunions parents/profs, du temps pour remplir les bulletins (que c’est long!), les réunions liées à l’établissement, des jours de formations (qui font sauter tes cours et par conséquent ta belle progression), les réunions de service (avec tous tes collègues de ton secteur), les réunions liées à un élève qui pose problème, les préparations de co-intervention, la préparation des sujets d’examen (bonjour le Contrôle en Cours de Formation), la correction des examens, les jurys d’examen dans d’autres établissement, etc…

Et si tu t’ennuies encore, t’inquiète pas j’ai surement oublié des choses.

L’aventure te tente? Tu peux retrouver mes autres articles sur la même thématique : mon expérience, le concours, les mutations.

Suite à un trop grand nombre de personnes voulant se lancer dans le professorat, m’ayant demandé conseils, et n’ayant pas pris la peine de me remercier, je ne répondrais plus aux diverses questions. Si vous souhaitez vous entretenir avec moi, je peux vous proposer un accompagnement d’une heure. Merci de votre compréhension.

Moi – Orane d’Indé’sew
Le quotidien d'un prof de couture

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