Prof de couture en lycée pro : mon expérience

Prof de couture en lycée pro : mon expérience

Aujourd’hui j’ai décidé de venir te raconter mon expérience de 4 ans en tant que prof de couture (ou autrement dit : des métiers de la mode) en lycée professionnel. Attention cet article va être long, si tu veux aller te faire un thé/café c’est le moment.

Je te raconte mes 4 ans en tant que professeure de couture en lycée professionnel

Mes débuts en tant que prof de couture

Je suis devenue professeure de couture à l’Éducation Nationale grâce à mes profs et une cheffe de travaux du lycée où j’ai réalisé mon BTS. J’ai gardé de bons contacts et je passais souvent les voir. J’étais là le jour où un remplacement est arrivé (ils savaient que j’attendais une occasion comme celle-ci). Alors ni une ni deux, j’ai débuté dans cette carrière. La couture est ma passion et je voulais la transmettre. Fin d’année, une de mes classes de CAP était en stage, l’autre était présente, mais avec les jours fériés de mai/juin, autant te dire que le nombre d’heures de cours a été limitées. A l’époque j’étais contractuelle.

A l’Éducation Nationale il y a 3 statuts (voir 4) pour les profs. Tout d’abord les contractuels (les remplaçants qui enchaînent les CDD dans des établissements différents au pied levé), les vacataires (je n’en ai jamais croisé, je pense que cette pratique n’est plus d’actualité), et enfin les Titulaires (ceux qui ont le CDI), parfois même les T.Z.R. c’est à dire les Titulaires de Zone de Remplacement. Ceux qui ont un CDI, mais pas de poste fixe, qui vadrouille entre les établissements et les niveaux.

Par chance mon remplacement recommence à la rentrée, et à coup de 15 jours de prolongation je réalise l’année entière dans mon lycée de cœur. J’ai en charge 2 classes de CAP, une motivante et l’autre moins : seulement 4 élèves (là par défaut). Difficile de créer une réelle dynamique et de ne pas s’ennuyer sur les heures de cours lorsque l’on est si peu occupé. Le métier me plaît et j’accroche bien avec ma deuxième classe de filles dynamiques.

Seconde année : défi, formation, concours, mutation...

Arrive la deuxième année, désillusion de début d’année je suis embauchée pour seulement 6h/semaine. Autant vous dire que c’est le contrat qui ne vous rapporte pas grand chose et qui bloque votre emploi du temps. Dès la rentrée les comptes sont faits. Une erreur de vérification fait que l’on se retrouve à devoir gérer une classe de CAP à double niveau en sureffectif. La collègue que je remplace qui était revenue à temps partiel, repart et je récupère les heures supplémentaires me complétant mon contrat au delà de mes espérances.

L’année est rude, il faut s’accrocher. Mes élèves sont dans l’ensemble agréables, pas tous motivés par la couture, mais avec des difficultés qui me paraissent surmontables. Le double niveau et le sureffectif est un challenge de tous les jours. Passer de 4 élèves à 16, c’est un changement. Lorsque les uns partent en stage, j’assure les visites en plus de faire cours aux autres… Cette année a été difficile mais formatrice. C’est la meilleure année des 4 ans que j’ai eu.

Passer le concours de professeur : pédagogie, couture et technique

J’aime le défi, tu le verras. J’ai décidé que ce n’était pas encore assez. Cette situation précaire ne me convenait plus. Renouveler mes contrats tous les 15 jours. Ne pas être payée en temps et en heure à cause d’un papier pas remonté jusqu’en haut (j’entend par là le Rectorat). Ne pas savoir si on aura du travail le mois prochain.

Trois de mes collègues sont proches de la retraite et après avoir longuement échangé avec elles, je décide de me présenter au concours. Le concours signifie devenir titulaire et surtout passer à la mutation nationale. Je savais que je pouvais être mutée partout en France et cette idée me déplaisait. J’avais aussi le grand espoir de revenir dans le lycée où j’exerçais. Malheureusement une classe a été supprimée dans mon établissement, supprimant ainsi les 3 postes convoités. Cela quelques mois après mon inscription au concours.

Je ne me démonte pas, j’ai le goût du défi, et j’ai envie de tenter. Peut-être que ce travail me plairait dans un autre établissement? Peut-être découvrirai-je de nouvelles méthodes qui me séduiront? Rencontrerai-je un nouveau public? Autant de questions auxquelles je voulais apporter des réponses, en espérant qu’une place se libère à côté de chez moi (sur un mal entendu).

J’ai travaillé dur pour me préparer à ce concours, apprenant les compétences de mon référentiel par cœur, et dans l’ordre s’il vous plait. Cela a représenté en moyenne 4 à 5h de lecture chaque soir après mes journées de cours surchargés en préparation, correction, cours.

J’ai passé les écrits au mois d’avril, et après quelques semaines d’attente, les résultats sont tombés. Même si cela peut paraître prétentieux, j’ai tout déchiré : mes efforts ont payé.

La première partie de l’examen en poche, je me suis donc rendues sur Nantes en juin pour passer les dernières épreuves du concours. Après une légère rebuffade contre une inspectrice dont je ne partageai pas le point de vu, les dernières notes sont tombées avec le résultat du concours. 2ème de France!

Si je ne m’étais pas « rebêlée » je pense sincèrement que j’aurais pu décrocher la première place. Mais c’est comme ça dans ce système, il faut faire ce qu’on nous dit, exécuter les ordres qui n’ont parfois ni queue ni tête, dictés par des gens qui n’ont pas vu d’élèves depuis 3 décennies! 

Le concours pour devenir prof de couture existe sous trois formes (externe, interne et RAEP). La spécialité est « Génie Industriel Matériaux Souple (ou Textile et Cuir). Si tu veux en savoir plus sur le concours, j’y ai dédié un article que tu retrouves ici.

Devenir titulaire : mutation nationale (inter-académique)

Il faut alors attendre les mutations. Ayant été contractuelle pendant deux ans dans mon académie, j’avais l’assurance de rester dans celle-ci pour mon année de stagiaire. Pour les mutations tu peux suivre ce chemin.

Là, le deuxième coup de massue. Une affectation dans 2 établissements, le premier à 1h20 de chez moi et le deuxième à 2h15! Un emploi du temps sur 5 jours, avec des jours non-consécutifs en fonction des établissements. Une répartition sur 5 classes! Cela peut vous sembler peu, mais quand on est professeure de couture, nous accueillons souvent les élèves sur de grandes plages horaires. Comme tu le sais la couture ça ne s’apprend pas en une heure. Alors 5 classes autant te dire que j’étais la prof de passage, celle dont on en avait rien à faire. Je suis aussi passée sur des BAC, il a fallut recommencer tous mes cours depuis le début!!!

Troisième année : prof de couture stagiaire

En tant que stagiaire, j’ai eu une tutrice pour me conseiller, m’apprendre ce qu’est une progression, une séquence, une séance, m’aider dans la préparation, me conseiller sur mon travail, dans la mise en place de mes objectifs, me donner des tips gestion de classe, … On ne peut pas dire que cette année là, j’ai appris beaucoup de chose. Heureusement que j’avais pu bénéficier d’une super tutrice en tant que contractuelle.

Sur ces deux établissements j’ai trouvé des choses biens et des choses moins biens! Ils étaient vraiment complémentaires. Autant dans le bon que dans le mauvais. Pour l’un des supers collègues, mais un public assez pénible avec des difficultés énormes. Dans l’autre des élèves plutôt agréables, du matériel dernier cri, du budget, mais une équipe de collègue où chacun fait ses petites affaires de son côté. Pas le plus motivant pour travailler.

J’ai du prendre une collocation au plus près de mon premier lycée. J’ai passé mon année sur la route, crevée, démoralisée de ne passer que 2 jours chez moi par semaine. Rentrer tard le vendredi soir, et repartir le dimanche c’est assez dur moralement en hiver.

Je l’avais choisi, je savais que cela pouvait arriver. Au vu de mes états de service, j’espérais qu’on ne m’attribuerai pas une situation aussi difficile. Il y avait un temps plein de libre à 12 km de chez moi. Sauf que j’étais désormais stagiaire et que ce poste était étiqueté contractuel. Une aberrations du système parmi tant d’autre

Nouveau défi : enseigner la couture en anglais

Vu que tu sais désormais que j’aime le défi et que je suis un peu maso. Je me suis inscrite au DNL pour enseigner les Métiers de la Mode en anglais. Chose qui ne se fera jamais au vu du public en BAC Pro de nos jours. Mais bon, pour la forme, je souhaitais décrocher cette certification supplémentaire. Et après moults péripéties (bonjour la fille qui se rend à l’amphithéâtre de la FAC plutôt qu’à celui du Rectorat pile poil à l’heure, et qui doit sprinter et se la jouer en mode Taxi pour arriver), l’épreuve se passe très bien et je décroche un 16. J’étais sidérée par cette note. Je ne suis pas particulièrement bilingue mais après un intégral de Friends en anglais, j’avais bien progressé.

Prof de couture pendant le confinement

L’année se poursuit et les séparations du dimanche soir deviennent de plus en plus compliquées. Et là miracle (pour moi pas forcement pour toi), le confinement! Mon confinement a très mal commencé, malade pendant 10 jours (ce n’était pas le Covid, mais la fatigue de l’année m’avait quand même bien démolie). La mise en place de l’école à la maison, avec des collègues qui ont du choper ce fichu virus vu leur silence pendant plusieurs semaines (bonjour les vacances!)… La gestion des 5 classes par visio, trouver des exercices qu’ils peuvent réaliser chez eux, sans machine, sans tissu, sans matériel de traçage. Pas facile tous les jours!

Cette période m’a permise de me retrouver chez moi, j’ai enfin pu me poser, profiter, faire des choses pour moi, repeindre des pièces de ma maison tout en assurant mes cours. A cette période j’étais heureuse. Je savais que pour moi le retour serait très très dur. Les cours ont repris en fin d’année mais tellement allégés que j’ai rendu mon logement. Je prenais le temps de faire la route quand il le fallait.

Nouvelle mutation : nouveau départ

Les résultats des futurs mutations sont arrivées en cours d’année scolaire. J’ai demandé l’académie Bas-Normande, puis la Haute-Normandie avant de faire un combo Paris, Versailles, Créteil. La vieille du résultat j’ai regretté d’avoir demandé l’IDF. Je ne m’y voyais pas du tout, panique complète!

J’ai obtenu la Haute-Normandie. J’ai alors choisi parmi les établissements de cette région. J’ai pris les 2 plus proches de chez moi, on m’a du coup attribué le 4ème : le plus éloigné! Grâce à mon syndicat j’ai obtenu un de mes vœux pour ne plus être qu’à 2h40 de chez moi.

A la fin de l’été, je suis donc repartie avec mon baluchon sous le bras dans un logement AirBnB miteux! Je me suis présentée dans mon nouveau lycée et au bout de 15 minutes de réunion de pré-rentrée, j’ai su! Je n’avais rien à y faire. Je me suis sentie prisonnière pendant 4h, j’ai voulu fuir. Je m’étais engagée et je souhaitais me prouver à moi même que j’étais capable, que je pouvais le faire. Je suis donc restée.

Quatrième année : la fin d'une expérience

J’ai donc pris à bras-le-corps ce poste, découvert de nouvelles collègues (sympathiques), une nouvelle pédagogie (que j’ai détesté), de nouveaux locaux (pas trop mal), et un emploi du temps à en faire pâlir plus d’un! Et heureusement sans celui-ci je n’aurais pas pu tenir les 5 mois que je suis restée.

J’ai découvert un nouveau public et j’ai déchanté. Imaginez-vous avec des élèves qui ne veulent pas forcement faire couture, et qui sont là pour être mannequin (et oui Métiers de la Mode, c’est l’industrie du vêtement certainement pas stylisme ou mannequinat…). Qui ne comprennent pas un mot de ce qu’ils lisent. Qui ne savent pas convertir cm en mm. Ni même repérer ceux-ci sur une règle. Vous vous voyez faire du modélisme avec ce public? Et bien moi j’ai décidé que s’en été trop et que je n’avais plus envie de faire autant de kilomètres pour essayer de faire tracer des rectangles à des élèves. Alors je noirci le tableau, j’ai eu aussi dans ces classes de supers élèves, mais les heures perdues à faire de la discipline ou du soutient +++ ont eu raison de mon envie de faire progresser les bons…

C’est ainsi après plusieurs mois de souffrance au travail que j’ai décidé que stop s’en était fini!

J’ai donc déposé ma rupture conventionnelle fin octobre. N’ayant pas mis de date, j’ai du réitérer le 9 novembre. S’en est suivi un entretien au rectorat le 1 décembre. Puis de l’attente et le silence radio… Un vrai manque de considération, à l’image du quotidien du service public.

EDIT : nous sommes actuellement en mars. La réponse de ma demande n’est toujours pas arrivée. Et je viens de me rappeler qu’aujourd’hui tombent les résultats des mutations. Il y a deux ans cela m’aurait empêchée de dormir des nuits durant… Là je l’avais carrément zappé cet évènement.

EDIT : Ayez les résultats sont tombés, je n’ai pas obtenu ma mutation. C’est donc sans regret, aucun!

Suite à un trop grand nombre de personnes voulant se lancer dans le professorat, m’ayant demandé conseils, et n’ayant pas pris la peine de me remercier, je ne répondrais plus aux diverses questions. Si vous souhaitez vous entretenir avec moi, je peux vous proposer un accompagnement d’une heure. Merci de votre compréhension.

MOI – ORANE D’INDÉ’SEW

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