Tu es dans l’univers de la couture, tu es entrepreneuse et tu veux vendre tes créations (patrons de couture, confection textile, boxs, etc…). Mais il y a un pas de géant entre l’idée et la commercialisation de ton produit ! Dans cet article, je vais dresser la liste non exhaustive de tout ce que tu dois mettre en place pour aller jusqu’au bout du processus.
Cet article va être très long alors je te glisse un p’tit sommaire pour retrouver les informations plus vite :
Valider son idée
Avoir des idées c’est bien. Et si tu es comme moi, tu en as sûrement 100 à l’heure. Tu ne peux pas tout réaliser, parce que tu n’as pas le temps, pas le budget, ou plus l’envie la minute suivante. Mais des fois, une idée persistante s’insinue et tu as envie de la développer. Sauf que tu en as déjà fait l’expérience… Une idée n’est pas toujours bonne. Alors avant de te jeter la tête la première dans la réalisation de ta création textile, formation couture, ou patron, assure toi que ton idée est bonne (même s’il est impossible d’en être sûre à 100%).
Créer pour ses clients, plutôt que de chercher des clients pour sa création.
Si tu vends déjà, tu dois connaître un minimum tes clients. Alors analyse d’abord tes produits, ceux qui marchent le mieux, ceux qui ne marchent pas et ceux qui sont en rupture de stock. Associe ta nouvelle idée dans le prolongement de ce qui marche. Tu peux aussi soumettre l’idée à tes clientes actuelles pour savoir si c’est une bonne idée ou non de développer ce produit.
Si tu te lances, alors pourquoi le fais-tu ? Je vois beaucoup trop d’entrepreneurs se lancer par simple envie en se disant qu’ils vont faire ce produit parce qu’ils ont envie. Mais stop ! On s’en fiche un peu de tes envies quand il s’agit de fabriquer un produit, il doit répondre aux envies de tes clients avant tout. Et tu pourras ensuite trouver du plaisir à le développer.
Donc avant de te lancer dans un business de lingette textile alors qu’il y a déjà moult créatrice qui en vendent à côté de chez toi, demande-toi si le marché est là (ce n’est pas parce que tu vois des lingettes partout qu’elles se vendent ! Fais bien cette distinction !) ? Si les gens en ont besoin ? Es-tu en capacité de mener à bout ce projet (financièrement, en adéquation avec ta vie perso, compétences) ? Si financièrement ce projet pourra être viable (même si on développe cette idée plus bas).
Personnellement, je ne pense pas qu’on puisse vivre confortablement de la création de lingettes. Combien faudrait-il en fabriquer / vendre chaque mois en gérant son approvisionnement, la vente, la communication, pour en vivre ? En plus c’est un produit qui ne peut pas être vendu cher (on en reparle plus bas). Ca va être difficile de rentabiliser cela. Si tu es créatrice et que tu vends uniquement de la lingette et que ça marche bien pour toi je t’invite à me contacter pour un article !
Déterminer son univers, sa direction artistique
Ton produit doit s’inscrire dans ton univers et tes valeurs. Il faut qu’en voyant ton produit, on reconnaisse ta pâte. Tu as par exemple un produit iconique qui t’a fait connaître, tu utilises un certain type de tissus, tu utilises la technique du patchwork… Autant de choses qui pourront te permettre de te démarquer de la concurrence et surtout de t’identifier.
Une identité graphique qui se retrouve à travers ta com, tes packagings, mais aussi ton produit, ce n’est pas un luxe ! Crois-moi !
J’ai eu une première entreprise, j’ai fait 2/3 créations, après 7 ans, je te confirme qu’il n’y avait aucune cohérence dans ce que je créais. Et que me fournir avec les mêmes tissus que tout le monde ne m’a pas du tout aidé à me démarquer. Ca a donc était un échec (formateur). La où j’excele aujourd’hui c’est dans la formation aux logiciels à destination de la couture DIY, parce que de par mon expérience de prof dans le domaine, ce sujet me passionne et je le maitrîse à la perfection.
Matérialiser ton idée
En couture la genèse du projet,c’est toujours un patron, sauf si tu vends du tissu ! Il peut être réalisé à partir d’un dessin, où une idée que tu as en tête. Et ce patron il est ultra important. Il va te permettre de développer ta réflexion autour de la faisabilité :
- Si c’est une création produite en petite et moyenne série, comment peux-tu concevoir ce patron pour gagner du temps à la fabrication. Cette découpe, est-elle vraiment nécessaire ? La forme de ce morceau ne va-t-il pas être trop tissuvore ?
- Si c’est un patron, quel niveau ont tes clients ? Tu dois adopter tes patrons à leur niveau, pas trop de difficulté et de finitions compliquées.
Pourquoi ici, je ne te parle que de produits qui peuvent se vendre en grand nombre ? Parce que c’est un peu le secret de la rentabilité. Une fois que ton patron est en vente, tu n’as pas de limites de vente. Lors d’une production en série, tu vas pouvoir baisser tes coûts de fabrication en économisant la matière, en gagnant du temps de confection par la répétition (tu peux en plus personnaliser le produit). Alors que pour du sur-mesure, le prix va forcément s’envoler car tu vas développer un produit pour un seul client de A à Z (le prix sera donc plus élevé), tu vas te chercher, cela va te prendre du temps, et une fois ce travail vendu et livré, tu ne pourras plus le rentabiliser.
Très important aussi pour la suite, chronomètre ton temps de patronage, mais aussi ton temps de fabrication, celui de recherche pour les fournisseurs, le temps passé pour ta communication, etc.
Tester le produit
Maintenant, que tu as le patron, tu vas pouvoir monter ton premier prototype. Et corriger le patron, et monter ton deuxième prototype et ainsi de suite jusqu’à ce que tu sois satisfaite. Et déjà, tu vas pouvoir te rendre compte de la faisabilité du projet. Si tu vends des vêtements, je t’invite à les porter, et pas seulement les essayer. Ainsi, tu te rendras mieux compte des améliorations à apporter. Pareil pour tout ce qui est accessoire. Tu peux aussi demander à des clientes fidèles de tester et les nommer ambassadrice !
Une fois complètement testé, tu vas pouvoir revenir à l’étape du patronage, et le finaliser. Et pourquoi pas le grader si c’est un vêtement, que tu veux vendre le patron, ou coudre une collection de vêtements.
À cette étape, tu vas pouvoir déterminer les fournitures dont tu vas avoir besoin pour poursuivre ton projet. Liste tout en nombre suffisant.
Attention si tu crées pour les enfants, il y a des normes à respecter et des certifications à obtenir (c’est bien trop souvent ignoré) !!!
Sourcer ses matières
Gros travail sous-estimé ! Ça ne va pas le faire si tu te fournis au magasin d’en face au tarif particulier si le but c’est de vendre tes créations ! Ça ne va pas le faire non plus si tu penses revendre le tissu au prix ou tu l’as acheté (si tu fais ça c’est que tu n’as pas compris le principe des charges URSSAF en microentreprise et qu’il faut d’urgence que tu te formes pour ne pas perdre beaucoup d’argent).
Il faut que tu trouves des fournisseurs qui pratiquent des prix aux professionnels. Ainsi, tu factureras à tes clients le prix public, mais tu auras fait une marge. Du tissu qui fournisse aussi une qualité qui répond à tes critères, labels ou pas, ça ca reste ta décision, ta volonté et les valeurs que tu véhicules. Ensuite il faut que tu trouves des fournitures qui vont bien entre elles et qui reflètent ton image de marque (comme on en a parlé au-dessus).
Une fois que tu auras validé tes fournisseurs, tu vas pouvoir établir le prix de revient de ton produit.
Et à cette étape, l’idée n’est toujours pas validée !
Prix de revient
Tu sais combien de temps tu as passé pour réaliser ta création, mais sais-tu quel est ton taux horaire ? Tu sais que ça se calcule et que regardait le prix pratiquait par la concurrence ne sert pas à grand chose ? On peut en parler ensemble pendant une session de conseil.
A cette étape, nous avons identifié : notre cible et son portefeuille, le temps de confection, et le prix des fournitures. Il suffit d’additionner le tout et de diviser par le nombre de produits pour obtenir une idée du prix de revient.
Et oui seulement une idée, car tu ne peux qu’estimer le temps non-facturable : la communication, la mise en ligne des articles, ta présence sur les salons, etc… Tu peux donc ajouter du temps supplémentaire dans le prix de revient, mais aussi compter tes charges annexes (hébergement web, emplacement dans des boutiques, logiciel de facturation) et tes charges URSSAF sur la totalité !
Ce prix de doit être augmenté pour obtenir un prix de vente, car il faut que tu te constitues une trésorerie pour subvenir à tes futurs investissements, tes congés non payés, les périodes creusent, les incidents (oups la machine qui rend l’âme)…
Est-ce qu’on valide l’idée ? Pas forcément ! Est-ce que ton prix de vente est en adéquation avec ta clientèle cible. Vont-ils payer ce prix juste pour ta création ? Si oui, jackpot, on passe à la suite. Si non, NE BAISSE PAS TON PRIX, sous prétexte qu’ils ne sont pas prêts à payer le prix juste. Il est hors de question de diminuer sa rémunération pour faire plaisir aux clientes. Baisses-tu ton salaire pour faire plaisir à ton patron ? Non ! Dans ce cas, tu dois revoir ton produit : puis-je le fabriquer plus vite ? Puis-je trouver des matériaux moins chers ? Est-il possible de produire plus pour faire baisser les coûts incompressibles ?
Si oui détermine un nouveau prix de revient pour ton produit et détermine l’adéquation avec le porte feuille de ton client. Si le prix ne passe toujours pas, alors ton idée n’est pas bonne en l’état. Et il vaut mieux arrêter là, que travailler à perte comme beaucoup trop le fond.
Attention, tout le monde se trompe, c’est normal. Tu développeras des mauvaises idées, le tout c’est de limiter ces développements, et d’apprendre de ses erreurs.
Objectif financier
Ensuite détermine le nombre de vente que tu dois réaliser pour tout d’abord arriver à ton seuil de rentabilité (rémunération comprise bien sûr ! Cela ne doit pas être un bonus s’il reste des sous !). Mais aussi des objectifs de vente plus ambitieux, permets-toi de rêver.
Consigne tout ça dans un fichier qui te permettra de suivre tes ventes.
Maintenant commence à réfléchir aux différentes stratégies que tu vas pouvoir mettre en place pour remplir tes objectifs : proposer un produit en adéquation avec le calendrier (journée mondiale de quelque chose, Noël, etc…), proposer une offre de lancement, organiser une démonstration, etc… Et passe à la suite !
Développement : de l’idée au produit
Félicitations, tu as validé ton idée, mais tu n’as pas encore de produit. Alors en avant vers la deuxième phase.
Communique dès maintenant sur l’arrivée de ton produit
Combien de personne finissent leur produit et communique seulement après ? Combien ne suscitent pas l’envie chez leurs clients avant de produire ? Tu sais ce que cela implique ? De prendre le risque de produire pour rien (enfin si, une perte considérable de temps et d’argent). Donc ne fais pas cette erreur !
Analyse ce que font les grandes marques à la sortie d’un produit, d’un nouveau film au cinéma, etc. Et tente de reproduire la même chose à ton échelle. Si tu vois que pendant cette phase de teasing, rien ne se passe, c’est qu’il va falloir retourner à l’idée car quelque chose cloche et tu risques de faire chou blanc.
Donc en fonction de ton moyen d’acquisition, parles en autour de toi, publies sur les réseaux sociaux, sur ton site… Enfin bref partout où tu as l’habitude de communiquer sur ton entreprise.
Préparer sa fabrication
C’est l’heure pour toi de finaliser tes commandes. C’est à ce moment là qu’il faut sortir la trésorerie, mais en général quand on déballe son colis, l’émotion de Noël remonte souvent, comme si on ouvrait un cadeau ! Tu vas devoir inventorier tes produits, classer tes factures et refaire le point sur tes dépenses. Et s’il te plaît, pas sur un post-it !
Tu vas aussi en profiter pour revérifier tes patrons pour que tout soit prêt pour le lancement de fabrication.
Si tu ne vends pas de créations textiles, mais des patrons, c’est le moment de réunir toutes les informations concernant ton produit au même endroit.
Tu dois aussi anticiper le packaging si c’est une création physique, car pour vendre au plus vite, il est temps de commander, le temps que cela arrive pendant la fabrication.
Fabriquer
A cette étape, tu vas devoir déterminer des process. Tu ne pourras pas le faire des le début, mais à force de réitérer tes sessions de fabrication, tu verras quelles actions tu peux regrouper, quel geste tu peux économiser, etc. Voilà à quoi cela pourrait ressembler selon différents secteurs d’activité.
Créatrice textile :
- Couper en matelas (gain de temps).
- Réfléchir le montage du produit par poste de travail (toute la partie fer à repasser, toute la partie machine, toute la partie surjeteuse). Rationalise au max ta fabrication.
- N’oublie pas les petits rien qui font tout : étiquette, jolie finition main, etc.
- Le contrôle qualité, finalise l’épluchage de tes créations et assure-toi qu’elles sont conformes au grade de qualité que tu vends.
- Surtout ne travaille pas produit par produit si tu fais de la série. Le but c’est de tout faire en même temps pour “batcher” le travail.
Créatrice de patrons :
- Récupérer les patrons avec différentes gradations.
- Organiser la mise en page des patrons
- Retoucher les photos et les intégrer dans les livrets, ou faire des schémas (le 100% écrit c’est fini, on en veut plus en 2024 !)
- Rédiger les instructions de montage.
- Mettre en page les livrets.
- Relire, corriger, finaliser.
- Envoyer les Bon A Tirer (BAT) à l’imprimeur au besoin.
Formation vidéo couture :
- Préparer le thème de la formation avec les différents objectifs à atteindre.
- Découper la formation en chapitre, module, etc.
- Rédiger le script de chaque vidéo.
- Préparer les ressources nécessaires au tournage.
- Installer le studio.
- Tourner.
- Dérusher et monter les vidéos.
- Préparer les supports supplémentaires.
L’étape de fabrication est idéale pour obtenir tous les visuels dont tu auras besoin par la suite pour ta communication, alors n’hésite pas à en faire beaucoup !
Vendre ton produit
Normalement tu as dû continuer à communiquer pendant ton temps de fabrication. Une petite story rapide, des publications programmées, etc… Le but est d’attirer l’attention de ton client. C’est aussi le moment de passer au packaging, pour faire de nouveau visuel. Si tu vends uniquement sur internet, tu vas devoir mettre en ligne tous tes produits ! Aussi bien sur une plateforme de revente, que ton propre site, une plateforme de formation en ligne (je peux t’aider pour ça 😁, je maîtrise), etc. Il faut aussi paramétrer les frais d’envois, les accès au cours, etc… Ne sous estime pas le temps passé sur cette étape (j’ai fait cette erreur au début) !
Et si tu vends dans des boutiques, tu vas devoir aller faire le tour des places où tu exposes, de tous les revendeurs qui prennent tes produits, et préparer tes futurs salons (le moment de faire un montage à blanc de ton stand, si tu ne l’as jamais fait). Le jour J il n’y a plus qu’à ! En croisant les doigts pour ne rien avoir oublié !
Faire le point sur ses ventes
Très rapidement tu vas devoir tirer des conclusions (qui ne sont pas figées dans le temps). Pose toi alors les bonnes questions. Ce produit s’est-il bien vendu ? Si oui, qu’est-ce qui a plus ? Qu’est-ce que je peux réutiliser de ce succès pour mes prochaines créations ? Dois-je faire du réassort ? Et financièrement est-ce que la rentabilité envisagée est atteinte ?
Si le produit n’a pas marché ? Pourquoi ? Qu’est ce que j’ai mal fait ? Pourquoi ma cible n’a pas adhérer à l’idée ? Est-ce que je peux mener de nouvelles actions de com pour augmenter mes ventes ? Ou est-ce que le problème vient d’ailleurs ? Que fait-on de ce produit ? Financièrement est-ce que je m’y retrouve ?
Maintenant que tu as fait tout ça, tu es prête à recommencer tout le process, alors au boulot !
Bien sûr cette liste est non exhaustive, tu peux donc me donner d’autres idées en commentaire !
Bravo Orane pour cet article riche et instructif !
Il y a de quoi faire et ton article donne beaucoup de pistes précieuses pour celles qui veulent se lancer et éviter certaines erreurs 😬